Cabinet MURY Avocats
Paris 1er

CONSTRUCTION – Sur la dissimulation et la fraude du constructeur

19 Août 2021 Avocat

 

Cass.civ. 3ème, 8 juillet 2021, n° 19-23879

 

 

Si la responsabilité civile décennale présente pour les requérants l’avantage d’être une responsabilité de plein droit, l’action en responsabilité pour dol leur permet d’agir au-delà de l’expiration du délai de la forclusion décennale.

Cependant, le demandeur qui souhaite agir ainsi à l'encontre d'un constructeur devra caractériser sa faute dolosive, ce qui n’est pas chose facile.

C’est ce que montre la décision rendue par la 3ème chambre civile en date du 8 juillet.

 

  • Sur le contexte de l'affaire et la décision rendue par la cour d’appel

 

Par acte en date du 4 février 2013, la SCI Matavai Lodge avait vendu à madame Z, un bungalow qu’elle avait fait construire en 2000.

Constatant des infiltrations d’eaux provenant de la toiture après son entrée dans les lieux, l'acquéreur a assigné la SCI en réparation de son préjudice.

 

Par un arrêt du 11 juillet 2019, la Cour d’appel de PAPEETE avait retenu l’existence d’une faute dolosive de la part de la SCI Matavai Lodge, de nature à engager sa responsabilité contractuelle.

Dans leur décision, les juges du fond relevaient que dès la construction qui avait été réalisée sous la direction de la SCI dont les associés étaient des professionnels du bâtiment, les documents techniques unifiés applicables n’avaient pas été respectés par le constructeur. La SCI qui était chargée de l’entretien de l’ouvrage, ne pouvait donc ignorer les infiltrations qui affectaient la maison vendue alors qu'il s'agissait semble-t-il de dommages sériels puisque ces désordres affectaient d'autres maisons qu’elle avait fait construire en même temps.

Dans ce prolongement, les juges de la cour d’appel ont considéré qu’en s’abstenant d’informer l’acquéreur, la SCI avait manqué à ses obligations contractuelles et principalement, à son devoir de loyauté contractuelle.

 

  • Sur l’arrêt de la 3ème chambre

 

Dans son pourvoi, la SCI a soutenu que les juges du fond n'avaient pas caractérisé une volonté délibérée et consciente de la cédante, de méconnaître les normes en vigueur par dissimulation ou par fraude.

 

Au visa de l’article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à la codification issue de l’ordonnance du 10 février 2016, la Cour de cassation rappelle qu’il résulte de ce texte que le constructeur, nonobstant la forclusion décennale, est, sauf faute extérieure au contrat, contractuellement tenu à l’égard du maître de l’ouvrage de sa faute dolosive lorsque, de propos délibéré même sans intention de nuire, il viole par dissimulation ou par fraude ses obligations contractuelles.

Or, les motifs retenus par les juges du fond étaient selon la Haute autorité de régulation, impropres à caractériser une volonté délibérée et consciente de la SCI de méconnaître ses obligations par dissimulation ou par fraude.

Plus avant, la Cour de cassation censure l’arrêt de la cour d’appel.

 

Cette décision serait à rapprocher d'un autre arrêt (cass.civ.3ème, 5 décembre 2019, n°18-19476).

 

A cet égard, la question de la preuve d’une faute intentionnelle, d’une dissimulation ou d’une fraude du constructeur est délicate d’un point de vue chronologique dans la mesure où au commencement du procès, les demandeurs et les tribunaux ne pensent pas nécessairement à adapter la mission d'expertise – parfois les demandeurs invoquent le dol pour contourner la forclusion de la garantie décennale, bien postérieurement aux opérations d'expertise.

Il est important de rechercher si lors du chantier, des indices ou des échanges permettent de penser que le constructeur avait eu connaissance des désordres ultérieurement dénoncés. Ces éléments factuels peuvent être indiqués dans le rapport de l'expert judiciaire. L'expert peut également se prononcer sur la question de savoir si compte tenu de sa compétence ou de son expertise, le constructeur ne pouvait ignorer tel désordre ou tel élément d'information.

Mais encore faut-il penser à le demander dans le cadre de la mission d’expertise qui sera sollicitée auprès du Tribunal.

 

 


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