Paris 1er

VENTE IMMOBILIERE – Manquement au devoir de conseil et d’information du vendeur et de l’agent immobilier


Cour d’appel d’ORLEANS, 5 juillet 2022, n°19-03686

 

 

Les faits à l’origine de cette décision rendue par la Cour d’Appel d’Orléans le 5 juillet, concernent la vente d’une maison d'habitation qui lors d’une sécheresse survenue en 2003, avait été très endommagée par un phénomène de retrait-gonflement des sols argileux.

La venderesse qui le savait, avait omis d’en informer l’acquéreur.

 

Les acquéreurs fondaient leur demande d’indemnisation des préjudices notamment liés au travaux réparatoires, sur les dispositions « des articles 1792 et suivants du code civil », « subsidiairement sur le fondement des articles 1641 et suivants et encore plus subsidiairement sur le fondement de l’article 1382 du code civil ».

Les juges du premier degré avaient sans surprise, condamné la venderesse au motif d’un manquement à un devoir d’information. La venderesse est alors condamnée envers les acquéreurs au versement de la somme de 224.000 € en réparation du préjudice subi. Il est nécessaire de souligner que ladite somme qui couvrait le montant des travaux réparatoires d’une structure fortement fragilisée, était presque égal au montant de la vente opérée douze (12) années plus tôt – soit 232.000 €.

Selon les juges du premier degré, il était difficile de passer à côté d’une telle information. En effet, la propriétaire ne pouvait ignorer les dégâts ni même les raisons de la fragilisation de la structure alors que cette dernière avait notamment sollicité le maire de la commune afin de réclamer la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et avait même bénéficié d’une aide à hauteur d’un millier d’euros pour réaliser des travaux.

Comme le rapport d'expertise le soulignait, au moment de mettre son bien en vente en 2007, la propriétaire avait fait réaliser différents travaux qui n’étaient que « de simples travaux esthétiques de rebouchage des fissures », tendant, on le devinait aisément, à dissimuler l’ampleur des désordres auprès des acquéreurs.

 

En cause d’appel, la venderesse lourdement condamnée avait appelé - de nouveau - en garantie l’agent immobilier chargé de la vente en alléguant que les fissures étaient apparentes lorsque celui-ci avait pris le mandat. Il ressortait pourtant de la décision que les travaux de rebouchage étaient intervenus plusieurs mois plus tard - ce qui mettait en exergue de plus fort la mauvaise foi de l’appelante.  

Néanmoins, la cour d'appel relève que l’agent immobilier n’avait pas alerté les acquéreurs.

 

La cour d’appel condamne l’agent immobilier et son assureur, la compagnie ALLIANZ, à relever indemne et garantir intégralement la venderesse des recours exercés à son encontre en relevant que « le bien immobilier qui faisait l’objet du mandat présentait d’importantes fissures qui auraient dû conduire un professionnel normalement avisé à se renseigner plus amplement auprès de son mandant sur l’origine de ces fissures et à l’informer quant aux risques éventuels à mettre ce bien en vente en l’état ».

Pour les juges du second degré, l’agent immobilier avait bel et bien commis « une faute contractuelle (…) ayant contribué à la vente litigieuse ».

On observe dans les faits que « l’agence immobilière [s'était] abstenue de visiter le bien immobilier, se privant de la possibilité de connaître l’état réel de celui-ci et de conseiller utilement son mandat et les potentiels acquéreurs ».

 

En confirmant le jugement de première instance sur la condamnation de la venderesse, la Cour d’Appel retient au surplus que « le manquement de l’agence à son obligation d’information et de conseil, qui consiste dans la perte de chance de ne pas vendre son bien immobilier dans ces conditions ».

Dans ce prolongement, la cour condamne la société ALLIANZ ès-qualité d’assureur de l’agence immobilière, au versement de la somme de 10.000 € – somme certes peu importante au vu des enjeux financiers précités – à la venderesse.  

Il est intéressant de relever que la cour d’appel écarte l’argumentaire de la compagnie ALLIANZ laquelle invoquait à l’appui des dispositions de l’article L 113-1 du code des assurances, que la faute de la venderesse revêtait un caractère intentionnel.

 

 

 

Voir également en matière de vente immobilière, sur les délais propres à la garantie des vices cachés :

https://www.mury-avocats.fr/blog/articles/vente-immobiliere-du-double-delai-pour-agir-en-garantie-des-vices-caches

Sur la responsabilité civile du diagnostiqueur immobilier :

https://www.mury-avocats.fr/blog/articles/vente-immobiliere-multiplication-des-reglementations-et-actions-en-responsabilite-a-l-encontre-des-diagnostiqueurs-immobiliers

Sur le point de départ du délai de prescription de l'action en matière de vente (distinction entre effets immédiat et rétroactif de la loi nouvelle) :

https://www.mury-avocats.fr/blog/articles/vente-immobiliere-point-de-depart-de-la-prescription-et-distinction-entre-effets-immediat-et-retroactif-de-la-loi-nouvelle
 

 


 

 

 

 


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