Paris 1er

CONSTRUCTION ET ASSURANCES – Interruption de la prescription à l’égard de l’assureur du locateur d'ouvrage


 

Conseil d'Etat, 4 février 2021, n° 441593, Société SMABTP

 

Cette décision permet au Conseil d’Etat de revenir sur les modalités d’interruption de la prescription à l’égard des assureurs mis en cause dans le cadre d'opérations d'expertise  ordonnées par voie de référé.

Le problème est le suivant.

Très fréquemment, les entreprises attraites à des opérations d’expertise ont souscrit des polices d’assurance auprès des mêmes compagnies.

Pour les parties ayant tardé à faire leurs mises en cause, il est alors tentant de soutenir a posteriori qu’une compagnie d’assurance à laquelle des opérations d'expertise ont été étendues, y a participé ès-qualité d’assureur de toutes ses entreprises assurées, ce quand bien même elle n’aurait pas été assignée ès-qualité d’assureur de chacune de ces parties.

Sur ce sujet, la décision rendue par le Conseil d’Etat apporte deux éclaircissements intéressants.

 

Tout d’abord, le Conseil rappelle qu’« une citation en justice, au fond ou en référé, n’interrompt la prescription qu’à la double condition d’émaner de celui qui a la qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait ».

La décision commentée rejoint à cet égard une jurisprudence bien établie du Conseil (ex : CE, 20 novembre 2020, n° 482678).

Il n'est cependant pas nécessaire de réunir ces deux conditions cumulatives pour l’assureur dommages ouvrage, ce dernier bénéficiant du mécanisme de la subrogation légale prévue par l’article L 121-12 du code des assurances. L’assureur dommages ouvrage peut ainsi invoquer l’effet interruptif de prescription des mises en causes faites par l'assuré maître d'ouvrage, le Conseil d’Etat précisant que :

« de son côté, l’assureur du maître de l’ouvrage, susceptible d’être subrogé dans ses droits, bénéficie de l’effet interruptif d’une citation en justice à laquelle le maître d’ouvrage a procédé dans le délai de garantie décennale ».

 

Ensuite, le Conseil d'Etat souligne que l’effet interruptif de prescription ne saurait profiter à l’égard de l’assureur d’un constructeur que si ledit constructeur a été visé dans la demande en justice : 

«  Lorsqu’une demande est dirigée contre un assureur au titre de la garantie décennale souscrite par un constructeur, la prescription n’est interrompue qu’à la condition que cette demande précise en quelle qualité il est mis en cause, en mentionnant l’identité du constructeur qu’il assure. A cet égard n’a pas d’effet interruptif de la prescription au profit d’une partie la circonstance que les opérations d’expertise ont déjà été étendues à cet assureur par le juge, d’office ou à la demande d’une autre partie ».

Cette décision rejoint la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass.civ. 3, 29 mars 2018, n° 17-15.042).

 

La position des jurisprudences administrative et judiciaire apparaît ainsi comme cohérente dans la mesure où lors d’opérations d’expertise, une compagnie ne peut se défendre dans le respect du principe du contradictoire, que si elle a connaissance avant que les débats sur les imputabilités ne soient abordés, du nom de l'entreprise que l'on voudrait être son assurée.

 


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