Paris 1er

CONSTRUCTION – Sur les arrêts de revirement rendus par la Cour de cassation en matière d’éléments d’équipements


Cass.civ.3, 21 mars 2024, n°22-18694

 

L’espèce de cette affaire portait sur un incendie qui était survenu à la suite de l’installation d’un insert de cheminée.

 

Par cette décision, la Cour de cassation revient sur sa jurisprudence marquante de 2017 qui avait été abondamment critiquée pour son manque d’orthodoxie. Rappelons que par deux arrêts de 2017 (cass.civ.3, 15 juin 2017, n°16-19640 ; cass.civ.3, 14 septembre 2017, n°16-17323), la haute juridiction avait retenu que les désordres affectant des éléments d’équipement, qu’ils soient ou non dissociables, qu’ils soient d’origine ou installés sur existant, relevaient de la responsabilité civile décennale des constructeurs lorsqu’ils rendaient l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination. Cette position jurisprudentielle posait notamment la question de savoir si les éléments d’équipement était soumis à l’assurance obligatoire des constructeurs.

 

Aux termes d'un arrêt rendu le 21 mars, la Cour de cassation énonce que l’objectif double de simplification du régime et de protection du maître d’ouvrage n’ont pas été atteints et que par voie de conséquence il convient de renoncer à la position de sa jurisprudence antérieure.

 

« Il apparaît nécessaire, selon la Cour, de renoncer à cette jurisprudence et de juger que, si les éléments d’équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l’assurance obligatoire des constructeurs ».  

 

C’est pour selon la Cour de cassation, il apparaît comme nécessaire de renoncer à cette jurisprudence.

 

Ainsi le régime classique retrouve à s’appliquer. Le maître d’ouvrage exerçant un recours à l’encontre de l’entreprise est désormais tenu d’apporter la preuve d’une faute en lien de causalité avec un dommage.

 

De plus, pour que les désordres causés par les éléments d’équipement puissent engager la responsabilité civile décennale du constructeur, il faut que ces derniers constituent en eux-mêmes un ouvrage.

 

On pourra relever que la 3ème chambre civile prend le soin de moduler les effets dans le temps de sa décision :

 

« La jurisprudence nouvelle s'applique à l'instance en cours, dès lors qu'elle ne porte pas d'atteinte disproportionnée à la sécurité juridique ni au droit d'accès au juge ».

 

Cette précision a une importance puisque la décision commentée entraîne une conséquence sur le délai de recours qui se trouve écourté. Le recours du maître d’ouvrage à l’encontre de l’entreprise n’est en effet plus soumis à un délai de dix (10) ans mais à un délai de cinq (5) ans courant à compter du jour de la connaissance par le créancier des faits lui permettant d’exercer son recours conformément aux dispositions de l’article 2224 du code civil.

 

 


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