Paris 1er

CONSTRUCTION – Sur les régimes de responsabilité des éléments d’équipement


 

Cass. civ.3, 13 juillet 2022, n° 19-20.231, FS-B

 

 

Par cette décision, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation confirme toute une jurisprudence selon laquelle les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination.

Une limite est toutefois apportée pour les éléments d’équipement qui ne fonctionnent pas lesquels relèvent de la responsabilité de droit commun.

 

 

1. Eléments d’équipement sur existant : un mouvement d'extension du domaine de la responsabilité décennale

 

 

Depuis l’arrêt du 15 juin 2017 (Cass. civ. 3, 15 juin 2017, n° 16-19.640, FS-P+B+R+I), la troisième chambre civile a fait évoluer sa jurisprudence.

 

Auparavant, pour que la responsabilité décennale soit retenue, il fallait que les travaux sur existant fussent, eux-mêmes, qualifiés d’ouvrage. La jurisprudence se fondait alors sur plusieurs critères, tels que :

  • l’ampleur des travaux (pour exemple, le cas d’une rénovation lourde, Cass. civ. 3, 29 janvier 2003, n° 0113034, FS-P+B),
  • l’immobilisation dans un ouvrage existant (pour exemple, le cas d’un silo intégré au bâtiment par soudure, Cass. civ. 3, 8 juin 1994, n° 9212655),
  • le critère de reprise d’une partie d’ouvrage assurant une fonction de clos et de couvert (pour exemple, le cas d’une reprise de toiture, Cass. civ. 3, 8 octobre 2014, n° 1321.807, FS-D).

 

Cependant, les juges appliquaient parfois la responsabilité décennale à des désordres aux éléments d’équipement même dissociables, lorsqu’ils rendaient l’ouvrage lui-même impropre à sa destination (CA Montpellier, 9 mars 1999, n° 95/0007479).

C’était par exemple le cas pour :

  • des canalisations (Cass. civ. 3, 3 décembre 2002, Constr. Urb. 2002, p. 125),
  • du chauffage (Cass. civ. 3, 10 mars 1981, n° 8010.069, JCP 1981, IV, 190),
  • une climatisation (Cass. civ. 3, 20 novembre 1984, JCP 1985, IV, 42).

Les éléments qui semblaient déterminants étaient l’atteinte à la solidité et l’impropriété à la destination de l’ouvrage lui-même (Cass. civ. 3, 23 janvier 1991, n° 88-20.221), le caractère dissociable ou non de l’élément d’équipement étant indifférent.

 

Les arrêts rendus par la Cour de cassation depuis 2017 montrent désormais un mouvement d'extension du domaine de la garantie décennale.

Ainsi, les désordres affectant les éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination (Cass. civ. 3, 15 juin 2017, n° 16-19.640, FS-P+B+R+I ; Cass. civ. 3, 14 septembre 2017, n° 16-17.323, FS-P+B+R+I ; Cass. civ. 3, 26 octobre 2017, n° 16-18.120, FS-P+B+R+I ; Cass. civ. 3, 14 décembre 2017, n° 16-10.820 ; Cass. civ. 3, 25 janvier 2018, n° 16-10.050, F-D).

 

Cette position de la Haute juridiction est d’ailleurs rappelée dans le Bulletin d’information du 1er décembre 2017 :

« désormais, tous les dommages, de la gravité requise par l’article 1792 du Code civil, relèvent de la responsabilité décennale, qu’ils affectent des éléments d’équipement dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, dès lors qu’ils rendent l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination ».

 

 

2. Limite à cette extension : les éléments d’équipement n’ayant pas vocation à fonctionner

 

 

Ce régime extensif ne s’applique, toutefois, que si l’élément d’équipement a vocation à fonctionner. Les désordres, quelle que soit leur gravité, affectant un élément d’équipement non destiné à fonctionner, relèvent exclusivement de la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur.

Dès lors, viole l'article 1792 du code civil, une cour d'appel qui répare des désordres affectant un carrelage et des cloisons adjoints à l'existant sur le fondement de la responsabilité décennale alors que ces éléments ne sont pas destinés à fonctionner.

En cela, cet arrêt rappelle une autre décision (Cass. civ. 3, 13 février 2020, n° 19-10.249, FS-P+B+R+I).

 

 

 

Voir également, sur les éléments d'équipement indissociables :

https://www.mury-avocats.fr/blog/articles/construction-element-d-equipement-indissociable-au-sens-de-l-article-1792-2-du-code-civil-exemple-du-parquet-pose-sur-un-carrelage-preexistant

Sur le vice affectant un élément d'équipement : 

https://www.mury-avocats.fr/blog/articles/vente-immobiliere-du-double-delai-pour-agir-en-garantie-des-vices-caches

 

 

 

 

 


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