CONSTRUCTION – Immixtion et prise délibérée de risque par le maître d’ouvrage lors du chantier
Cass Civ 3, 10 juillet 2025, 23-20.135
Dans cette affaire, la Cour d'Appel de Montpellier (Cour d'Appel de Montpellier 22 juin 2023 RG n° 19/01008) avait retenu la responsabilité du maître d’œuvre mais également des maîtres d’ouvrage au motif que ces derniers avaient procédé à la désignation du maître d'oeuvre :
« par ailleurs, l’expert note que M. [X] en accord avec M. [T] a désigné M. [G] comme entrepreneur gros oeuvre ce qui constitue une immixtion du maître de l’ouvrage dans le choix des entreprises gros œuvre. »
Selon la Cour de cassation, l’acceptation des risques par le maître d’ouvrage ne suppose pas seulement d’avoir pris un risque – en l’espèce ne pas avoir commandé d’étude de sol. Une telle acceptation suppose impérativement d’apporter également la preuve d’une mise en garde sur les conséquences (l'arrêt sera à rapprocher des décisions : Cass civ 3ème, 7 novembre 2024, 22-22.794 et 23-18.549 ; Cass Civ 3ème, 15 février 2024, 22-23.682).
En cassant la décision des juges du fond, la Haute juridiction retient que l’immixtion fautive du Maître de l’ouvrage ne peut consister dans le simple fait d’avoir participé à la désignation de l’entreprise :
« Vu l'article 1792 du code civil :
23. Il résulte de ce texte que le maître de l'ouvrage, condamné à réparation au profit de l'acquéreur au titre d'une responsabilité de plein droit, ne peut, dans ses recours contre les constructeurs, conserver à sa charge une part de la dette de réparation que si une faute, une immixtion ou une prise délibérée du risque est caractérisée à son encontre. L'immixtion du maître de l'ouvrage n'est fautive que si celui-ci est notoirement compétent.
24. Pour laisser aux vendeurs, maîtres de l'ouvrage, une part de la dette commune dans leurs rapports avec les constructeurs et leurs assureurs, l'arrêt retient que, selon le rapport d'expertise, l'architecte, en accord avec M. [U], a désigné M. [C] comme entrepreneur gros oeuvre, ce qui constitue une immixtion du maître de l'ouvrage dans le choix des entreprises gros œuvre.
25. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une immixtion des maîtres de l'ouvrage dans les travaux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».
Cette décision mérite ainsi d’être remarquée en ce qu’elle retient deux (2) critères cumulatifs permettant de caractériser l’immixtion fautive du maître d’ouvrage : d’une part, que ce dernier ait commis une immixtion ou ait pris de manière délibérée un risque, d’autre part, que si ce dernier est notoirement compétent en matière de construction.
Sur la faute et l'immixtion des maîtres d'ouvrage :