Paris 1er

CONSTRUCTION – Pas d’application de la garantie décennale en l’absence de réception !


 

Cass.civ.3, 15 décembre 2021, 20-21.537

 

 

La règle est bien connue, pas d’application de la garantie décennale des constructeurs en l’absence de réception ! La décision rendue par la Cour de cassation le 15 décembre 2021 vient nous le rappeler.

 

Cette affaire débute par l’assignation délivrée à l’initiative d’un copropriétaire se plaignant de la survenue d’infiltrations sur ses parties privatives. Il attrait le syndicat des copropriétaires lequel appelle en garantie son ancien syndic, la société José Diniz constructeur rénovateur qui a procédé à la réfection de la toiture de l’immeuble et enfin la société civile immobilière Les Trois ailes (la SCI), propriétaire d'un fonds limitrophe.

 

  • Aspect de la décision intéressant le droit de la copropriété

 

Aux termes de son pourvoi, le syndicat des copropriétaires faisait grief à l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Paris en date du 9 septembre 2020, d’avoir déclaré irrecevables ses demandes à l’encontre de la SCO et de la société Proact'Imm, alors « que le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par décision de l'assemblée générale ; qu'une telle autorisation n'est pas nécessaire pour défendre aux actions intentées contre le syndicat et former une demande en garantie ; qu'en jugeant, pour les déclarer irrecevables, que les demandes formulées par le syndicat des copropriétaires à l'encontre des sociétés SCI Les 3 Ailes et Proact'imm tendant à le relever et à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, formulées dans le cadre de la procédure de fond et reprises en appel, nécessitaient une habilitation du syndic, la cour d'appel a violé l'article 55 du décret du mars 1967 ».

La Haute juridiction rappelle au visa de l’article 55 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 dans sa rédaction issue du décret n° 2010-391 du 20 avril 2010, que si le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale, une telle autorisation n'est pas nécessaire pour défendre aux actions intentées contre le syndicat.

Selon la Cour de cassation « pour déclarer irrecevables les appels en garantie formés par le syndicat à l'encontre de la SCI et la société Proact'Imm, l'arrêt retient que ces demandes formulées dans le cadre de la procédure au fond de première instance, reprises en appel, nécessitaient une habilitation du syndic par l'assemblée générale ».

En statuant ainsi, alors que le syndic n'a pas à être autorisé par l'assemblée générale des copropriétaires pour appeler en garantie un coresponsable, la cour d'appel avait violé les dispositions susvisées.

 

  • Aspect de la décision intéressant le droit de la construction


Dans son pourvoi, la société José Diniz faisait grief à l'arrêt de la condamner à garantir le syndicat de ses condamnations des réclamations qui étaient dirigées à son encontre par le copropriétaire mécontent, alors que selon elle « à défaut de réception, même tacite, de l'ouvrage, ce n'est pas la garantie décennale qui s'applique, mais la responsabilité contractuelle de droit commun : que la cour d'appel a elle-même constaté qu'il ne pouvait être considéré que le syndicat des copropriétaires, maître de l'ouvrage, avait pris possession des ouvrages et les avait acceptés sans réserves, caractérisant ainsi une réception tacite ; que la cour d'appel ne pouvait donc condamner la société Diniz sur le fondement de la garantie décennale, et sans se prononcer sur la prescription de la responsabilité contractuelle de droit commun ; que la cour d'appel a donc violé l'article 1792-4-2 du code civil ».

La Cour de cassation rappelle tout d'abord au visa des dispositions de l'article 1792-4-1 du code civil, que « selon ce texte, toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du code civil est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ».

Ensuite, la 3ème chambre civile relève que les juges du fond avaient écarté la thèse d’une réception tacite. La Cour d'appel avait elle-même constaté qu'il ne pouvait être considéré que le syndicat des copropriétaires, maître de l'ouvrage, avait pris possession des ouvrages et les avait acceptés sans réserves.

De réception judiciaire, il n’était nullement question.

Par voie de conséquence, en retenant que la responsabilité civile décennale du locateur d’ouvrage était engagée, la cour d'appel avait violé le texte susvisé.

 

 

 


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